Moins prestigieux mais plus beau que le Ventoux : un show signé Thomas De Gendt
Thomas De Gendt n'en est pas à son coup d'essai, en terme de victoire prestigieuse au terme d'une longue échappée. Mais celle de ce 13 juillet est peut-être le plus grand exploit de sa carrière. Explications.
- Publié le 13-07-2019 à 18h30
- Mis à jour le 13-07-2019 à 18h39
Thomas De Gendt n'en est pas à son coup d'essai, en terme de victoire prestigieuse au terme d'une longue échappée. Mais celle de ce 13 juillet est peut-être le plus grand exploit de sa carrière. Explications.
Ce samedi, Thomas De Gendt a enchaîné les tours de force pour remporter en solitaire, avec six petites secondes d'avance sur ses plus proches poursuivants, une victoire que personne ne lui a laissée. Il a battu ses compagnons d'échappée mais aussi un peloton tout entier, un duo Alaphilippe-Pinot explosif. De Gendt a même vaincu la bêtise des Education First et des Astana. Deux ans et 364 jours après un succès au sommet du Ventoux, qui avait été éclipsé par le jogging de Froome dans le Mont chauve.
1. Il prend l'échappée que tout le monde voulait dès le kilomètre zéro
Ce samedi, c'était sûr: cela allait bagarrer énormément pour prendre l'échappée. Ces étapes dessinées pour les baroudeurs sont rares, dans un Tour de France. Une douzaine d'équipes, au moins, misent tout sur ce genre de journée pour tenter de sauver leur Tour de France. Nombreux étaient ceux qui pensaient que l'échappée se développerait dans le premier col du parcours, situé après 44 kilomètres de course. Histoire de permettre à un groupe d'hommes forts de se dégager à la pédale après presque 50 minutes de bagarre.
Il n'en fut rien: "la bonne" s'est dessinée dès le kilomètre zéro, lorsque Thomas De Gendt a décidé de suivre Ben King, premier attaquant du jour. Terpstra se joignait à la fête et les trois hommes étaient tellement forts que Mads Wurtz, le rouleur de Katusha, a explosé alors qu'il était revenu à moins de dix mètres du trio de tête.
2. Il creuse l'écart et prend une décision cruciale
Derrière, la formation Trek du maillot jaune n'a rien donné, ou presque. A peine l'écart dépassait-il les 2 minutes que les équipiers de Ciccone roulaient déjà. Finalement, De Marchi, sorti à contre-temps, pourra effectuer la jonction avec la bénédiction de De Gendt, notamment, qui décida de l'attendre alors que le peloton s'était relevé. Le Belge peut se féliciter d'avoir incité Terpstra et King à attendre De Marchi. Cinq heures plus tard, les relais de l'Italien lui permettront d'aller au bout. "C'est le compagnon d'échappée idéal. C'est dommage que j'ai dû le lâcher", s'excusera presque De Gendt à l'arrivée.
3. Un petit Liège-Bastogne-Liège
Au total, les coureurs du Tour ont avalé 3.800 mètres de dénivelé positif, ce samedi. A tel point que cette étape était décrite comme un "petit Liège-Bastogne-Liège", raccourci à 200 kilomètres. Vous avez récemment vu une échappée matinale aller au bout lors de la Doyenne ? Autant dire que sortir à quatre pouvait sembler suicidaire, mais le profil des quatre gaillards était parfait pour De Gendt. Rouler vite dans de longs faux-plats ne fait pas peur à King, Terpstra ou De Marchi. "J'ai eu peur quand le peloton a réduit l'écart de 5'00" à 3'30" après la mi-course donc on a décidé d'accélérer", expliquera le vainqueur du jour. Sauf que King et Terpstra étaient déjà à bloc. La route se poursuivra donc à deux pendant plus de 50 kilomètres !
4. Une lucidité à toute épreuve
S'il a toujours pris soin de prendre les points au sommet des côtes, De Gendt n'y a jamais laissé trop d'énergie. L'entente avec De Marchi est d'ailleurs excellente mais l'écart finira pas fondre. Pourtant, Sagan, Matthews et Colbrelli sont en difficulté, dans le peloton. Cette étape est finalement trop dure pour les meilleurs puncheurs des sprinteurs. Heureusement, la formation Deceuninck-Quick Step n'a pas emmené Gilbert avec elle et Alaphilippe est bien seul dans les derniers kilomètres, avec Mas, leader désigné pour le classement général. Mais alors, comment l'écart peut-il baisser ? Tout simplement parce qu'Astana et Education First décident de tout donner en tête de peloton. Que Fuglsang ait des ambitions sur une étape qui lui convient finalement mieux que la haute montagne peut se comprendre. Dans l'équipe américaine, par contre, on se demande toujours pourquoi on a mis Clarke et Kangert à la planche. Lutensko, premier Astana, se contente de la 12e place alors que Uran, 14e, sera le meilleur coureur d'Education First à l'arrivée. Ces efforts n'auront même pas suffi à faire perdre du temps à Geraint Thomas qui a chuté au pire moment.
Devant, De Gendt collabore avec De Marchi mais il sent que les relais de l'Italien ne sont plus aussi efficaces qu'en début d'étape. Alors que l'avance du duo n'est plus que de 55 secondes au pied de la dernière difficulté, à 14 kilomètres de l'arrivée, le Belge produit son effort au moment idéal pour tenter sa chance en solitaire. Au sommet, il n'a perdu que 25 secondes sur un duo Alaphilippe-Pinot pourtant frais et plus explosif. Un exploit au vu des forts pourcentages de cette côte !
5. Une résistance à toute épreuve
Il reste alors 12 bornes à parcourir et un maigre matelas de 30 secondes pour De Gendt. Certes, de longues portions descendantes lui permettent de rivaliser avec le duo Pinot-Alaphilippe mais trois "rampes" situées dans les derniers kilomètres viennent casser son rythme. "Heureusement qu'il n'y avait pas de vent dans ce final", admettra-t-il. Il fait alors parler sa résistance et son endurance. Les longues sorties d'entraînement payent. En novembre, lorsque nous suivions la préparation hivernale de Maxime Monfort, le Wallon nous confiait ceci: "Thomas, c'est un fou de l'entraînement. Je ne suis même pas sur que s'infliger de telles sorties en début de préparation soit bénéfique. En tout cas, sur moi ce serait nocif. Mais Thomas est vraiment un coureur à part."
En le voyant résister aussi bien face à deux coureurs frais et à un peloton toujours lancé à ses trousses, on a forcément repensé aux posts de De Gendt sur les réseaux sociaux durant l'hiver, lorsqu'il affiche sur Strava ses entraînements interminables. Ces petits buzz sur Twitter se sont transformés, huit mois plus tard, en un authentique exploit. Car contrairement à sa victoire au Ventoux, De Gendt a cette fois vaincu l'ensemble du peloton et pas seulement ses compagnons d'échappée.
Chapeau l'artiste !